jeudi 4 février 2016

Marie, professeur de collège, interdite de réforme



Madame la ministre de l’Education Nationale,
Mesdames, messieurs les lecteurs de cette lettre,

Je m’appelle Marie et je suis professeur documentaliste. On m’appelle, quelquefois avec ironie, « la dame du CDI ».
J’ai obtenu le CAPES de documentation en 2008. Ce CAPES, au même titre que tous les CAPES, certifie de mes aptitudes au métier de professeur. Je vous rassure, ce n’est pas un CAPES de couverture de livres, comme nous l’entendons encore parfois. Nous relevons du domaine universitaire des Sciences de l’Information et de la Communication et, tout comme le professeur de mathématiques est le vulgarisateur de la pensée des grands mathématiciens, nous avons un contenu très dense à mettre au niveau de compréhension des élèves de collège et de lycée. Et tous les jours, je fais cours, j’enseigne aux élèves à chercher des informations fiables, à comprendre les logiques de fonctionnement des outils du numérique, à mettre en place une veille informationnelle, en autre.
Une partie de ce contenu est repris dans les textes de la réforme (la maîtrise du centre de documentation et d’information, la validation de l’information par exemple) sous l’appellation d’Education aux Médias et à l’Information (EMI).
L’an prochain, je pensais transmettre ces connaissances aux élèves sur les temps d’Accompagnement Personnalisé (AP) qui sont, entre autre, dédiés à l’acquisition des méthodologies de recherche. Je pensais organiser et/ou participer à quelques Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) ou lors du parcours citoyen dont fait partie l’EMI.
Je voulais participer à l’AP mais voilà, je n’ai pas d’heures disciplinaires à l’emploi du temps des élèves, je ne fais pas partie de la sacrosainte Dotation Globale Horaire (DGH). Ces contenus, qui sont mon socle disciplinaire, pour les enseigner aux élèves, je dois me positionner en dédoublement des heures d’AP, selon le bon vouloir du professeur qui officie sur ses heures disciplinaires, selon le bon vouloir du chef d’établissement. En résumé, si l‘on veut bien me confier des élèves, j’enseignerais mais je ne peux prévoir ni la progression des apprentissages info-documentaires, ni le nombre d’heures qui me sera attribué, ni le nombre d’élèves qui pourra bénéficier de mon enseignement.
Les élèves ne seront donc pas sur le même pied d’égalité, les professeurs documentalistes non plus.
Je voulais participer aux EPI, principalement dans la thématique « information, communication et citoyenneté » mais, pour les mêmes raisons que l’AP, je ne peux le faire. Je ne peux mener un EPI avec un autre collègue, je ne peux être que le 3ème professeur et le contenu que j’apporterais ne sera pas évalué.
Encore une fois, mon rôle pédagogique est subordonné à mes collègues et à mon chef d’établissement, entrainant une rupture ‘égalité entre tous les élèves et entre chaque professeur-documentaliste.
Je voulais participer à l’EMI dans le cadre du parcours citoyen mais aucun temps d’enseignement, aucune heure, n’est prévu par la réforme pour ce parcours né des attentats de janvier et porteurs des valeurs de notre République. Chaque collègue pourra ou non l’aborder en classe sans que notre enseignement  bénéficie à tous les élèves. Si des collègues font appel à moi et à mon expertise, je répondrais « présente » mais je ne peux les y obliger.
Encore une fois, la volonté d’égalité pour tous les élèves prônée par la réforme est contrariée par celle-ci.

Je vous avoue que j’ai ma petite idée pour pallier à cette inégalité des chances des élèves et à cette inégalité de traitement des professeurs documentalistes.
Puisque l’EMI est devenue aussi importante à vos yeux qu’aux nôtres, pourquoi ne pas nous l’attribuer officiellement sous la forme d’un enseignement d’info-documentation que vous pouvez appeler « parcours ».
Les professeurs documentalistes sont d’ores et déjà présents 30h en établissement à plein temps. Ces 30h ne sont pas comptabilisées dans la DGH, elles ne relèvent pas des moyens accordés par l’Etat chaque année à l’établissement. Il n’y aurait pas besoin d’augmenter les moyens des établissements.
Notre formation initiale et notre pratique quotidienne font de nous des experts de l’Education aux Médias et à l’Information. Il y a donc un professeur déjà formé dans chaque établissement scolaire, pas besoin de financer de nouvelles formations.
Ce parcours d’info-documentation pourrait être de 15h par élève et par an, pourquoi pas en parallèle des 10 heures de vie de classe assurées par les professeurs principaux.  D’un point de vue pratique, il n’y aurait pas de hausse des heures d’enseignement puisqu’il s’agit d’un parcours et aucune modification d’emploi du temps mais une diminution des temps de latence des élèves.

Bien sûr, vous pouvez trouver à redire à ce projet qui est perfectible mais, je vous en prie, ne nous laissez pas disparaître des enseignements des élèves.

Respectueusement,

Marie
Professeur documentaliste en collège

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